«Avec un peu d'argent un homme est quelque chose, un homme sans argent est un moins que rien». Triste constat du célèbre chancelier suédois Axel Oxenstiem en 1652 qui est encore d'une actualité incontestable en France où l'écart se creuse davantage entre riches et pauvres. Pourtant sur les 9 millions de pauvres que compte notre pays selon L’INSEE, 54% tombe dans le fléau sans vraiment s'y attendre en raison du fait soit d'un accident de la vie, soit d'une perte de revenus ne couvrant plus les charges. Dans ce contexte peu souhaitable, il est évident que le banquier réajuste son attitude à l'égard de son client dont la nouvelle situation financière est désormais qualifiée de fragile. Se pose ainsi la question fondamentale du comment s'en sortir face au système bancaire
Etes-vous un client fragile ?
En se référant au code monétaire et financier en son article R312-4-3 modifié par décret n°2016-1811 du 22 décembre 2016, vous êtes déclarés clients fragiles dès lors que :
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votre compte de dépôt présente des irrégularités de fonctionnement ou incidents de paiement observés au moins sur trois mois consécutifs ;
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les mouvements créditeurs du compte sont faibles ;
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les mouvements débiteurs du compte sont élevés et répétitifs sans être suffisamment couverts par les ressources
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vous êtes fichés à la banque de France pendant au moins trois mois consécutifs pour motif de chèque impayé ou retrait de carte bancaire
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vous êtes surendettés et reconnus tel après avis favorable à partir de la date de recevabilité.
Client fragile : qui enclanche la procédure de reconnaissance ?
Il relève de la compétence du banquier d'identifier en premier la fragilité du client.
En effet, les dernières réformes bancaires notamment celle de septembre 2018 ont conduit les banques à élaborer des mécanismes pour détecter au plus tôt les clients présentant une situation financière dégradante. En 2016, 2,4 millions de clients fragiles ont été recensés. Un chiffre nettement en hausse en 2017; soit 3,6 millions. A fin décembre 2018, le nombre de clients fragiles identifiés a passé la barre des 4 millions. Cette progression témoigne des efforts consentis par le système bancaire à l'identification de la fragilité des clients.
Il n'est pas proscrit que le client à sa propre initiative se décide d'alerter le banquier sur ses difficultés.
La reconnaissance de la fragilité:
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débute par un dialogue initial entre le banquier et le client
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se matérialise par écrit ou tout autre mode de communication plus approprié
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Est assortie de propositions précises faites au client afin de l'aider au mieux à encadrer très rapidement ses difficultés et en limiter les dégâts.
Il convient de préciser que les propositions formulées à l'égard du client ne peuvent être considérer comme une faveur mais revêtent un caractère obligatoire et de plein droit.
Quels sont les droits d'offices ?
Le code monétaire et financier en ses articles L312-1 et R312-4-3 reconnaît huit principaux droits absolus aux personnes reconnues en fragilité financière.
1- Droit à l'ouverture, la tenue et la clôture de dépôt
Tout citoyen français sans distinction aucune a le droit de détenir un compte bancaire. Bien que le banquier reste maître du jeu par son oui ou non, le droit au compte oblige ce dernier en cas d'inacceptation, à délivrer une attestation de refus de compte. Le client se réfère à la Banque de France qui désigne d'office une autre banque au client.
2- Droit à la mise à disposition d'une carte de paiement à autorisation systématique
Le client fragile a le droit à une carte bancaire. Toutefois, le découvert dans ce cas est proscrit et le compte devra en conséquence être maintenu créditeur ; d'ou l'autorisation systématique
3- Droit aux virements mensuels SEPA
La fragilité financière n'empêche point l'utilisation de virements SEPA. Néanmoins, seul quatre virements mensuels SEPA sont accordés avec au moins un virement permanent et un nombre illimité de prélèvements.
4- Droit à la mise à disposition de deux chèques de banque par mois
L'une des mesures qui fâchent les clients fragiles est l'interdiction d'émettre des chèques. La loi oblige en revanche le banquier à fournir deux chèques de banque par mois. Cette mesure vise à garantir que le montant des chèques émis sera disponible et payable puisque le fonctionnement du compte n'ouvre pas autorisation en solde débiteur.
5- Droit à l'accès au compte à distance
Dans un monde en constante numérisation et d'ailleurs dans le but de limiter les déplacements en agence, il est d'une stricte obligation pour le banquier de mettre à disposition du client tout moyen permettant d'effectuer ses opérations en ligne.
6- Droit au plafonnement des frais d'incidents bancaires
La fragilité financière implique la réduction des frais d'incidents. Le client bénéficie de plein droit de la réduction des frais d'incidents bancaires. Ainsi, il doit s'assurer que le montant desdits frais ne dépasse un plafond de 20 euros mensuel ou 200 euros annuel. La lecture de relevé de compte permet de détecter les frais applicables par le banquier.
7- Droit au plafonnement spécifique des frais de commission d'intervention
Les frais de commission d'intervention doivent être plafonnés à 4 euros par opération et 20 euros mensuels.
8- Droit au changement d'adresse
Il est de plein droit au client fragile de changer d'adresse une fois par an.
Quels sont les autres droits y afférents ?
9- Droit de recours en cas de non satisfaction ou de refus d'accès aux droits d'office
Il est rare que le banquier refuse d'appliquer l'offre spécifique dans un cas de fragilité financière. Si cette situation se présentait, , le client procède à l'envoie en recommandé de sa réclamation écrite au service réclamation de la banque. Si au terme d'un délai de deux mois, aucune satisfaction n'est trouvée, la saisine du médiateur demeure la solution idéale à condition de n'avoir pas entamé une procédure judiciaire.
10- Droit de refus de l'offre spécifique à l'initiative du client
Le caractère fragile de la situation financière du client lui ouvre obligatoirement droit à l'offre spécifique. Néanmoins le client n'est pas tenu d'accepter la proposition du banquier. Le renoncement à son droit est un droit.
11- Droit de résiliation de l'offre spécifique
L'offre spécifique étant un contrat, le client peut à tout moment mettre à l'offre dans les conditions prévues à cet effet. Cette volonté de renonciation doit se traduire par écrit notifié au banquier
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La fragilité financière n'est pas une fin en soi. Pour être mieux vécue, elle se doit d'être considérée comme une étape de la vie. L'amélioration de la situation vous permettra de changer de traitement bancaire. En attendant, il revient à chaque client reconnu fragile de vérifier la mise en place effective de ces services obligatoires.