La crise actuelle liée au coronavirus implique une sitution inédite pour chacun d'entre nous. Face à la privation de nos libertés et de nos échappatoires, nombreux sont ceux qui témoignent de symptômes névrotiques exacerbés par le confinement dans nos foyers.
Nous avons perdu l'habitude, dans nos sociétés modernes, d'être privés de nos libertés. Angoisse pour ses proches, peur pour l’avenir, perte de lien social, isolement, troubles dépressifs, nervosité, anxiété, voire parfois tendance à la paranoïa. De plus en plus de français témoignent de situations de détresse psychologique.
Carole-Anne Iacono, docteur en psychologie, spécialisée dans les situations de crises décrit "de nouvelles demande de prise en charge, majoritairement pour anxiété envahissante chez des patients encouragés par leurs proches à consulter". Selon elle "ces patients décrivent très bien les symptômes de l'anxiété : troubles du sommeil, parfois de l'alimentation, irritabilité, peur exacerbée et pensées déraisonnées, ceux qui consultent affirment être bousculés dans leur quotidien et ne plus se reconnaitre".
La durée indéterminée de la crise sanitaire accroit majoritairement l'anxiété de la population. Les services de police et d'urgence relatent l'augmentation des violences conjugales et des décompensations psychiques.
En témoigne la création de multiples cellules psychologiques, qui proposent des consultations le plus souvent par téléphone, parfois en visio. La santé mentale est mise sur le devant de la scène et le pouvoir de la parole retrouve une place salvatrice. Le citoyen confiné, matraqué d'actualités anxiogènes, restreint dans ses habitudes quotidiennes et incité à s'isoler, est encouragé à adresser cette parole à un professionnel, psychologue ou psychiatre. Il en va de son équilibre psychique.
"On vit un épisode que nous n’avons jamais vécu et n’aurions jamais imaginé vivre, tant nous vivions dans l’idée que la médecine sait guérir et que les hôpitaux peuvent faire face. C’est sans compter avec la litanie quotidienne des morts annoncées et de celles à venir. Cela ressemble à un film d’horreur" confie Claude Halmos, psychanalyste et chroniqueuse sur France Info. Elle décrit entre autre une "situation anormale, qui sert d’amplificateur : nous sommes comme des ours en cage. Et en plus, souvent, plusieurs ours dans la même cage. Tous des cocottes-minute. Le mettre en mots, c’est déjà ça."
On redecouvre le vivre-ensemble, apprendre à occuper le temps qui nous est donné mais aussi apprendre à se supporter.
Disparues les possibilités de fuite ou d'évitement, de l'autre et de soi-même. Nous nous retrouvons confrontés à la présence d'un autre avec laquelle il faut composer sur la durée, mais également à la présence de nos propres pensées, réflexions, doutes et introspections. Le temps soudainement redistribué avec abondance force la confrontation avec son monde intérieur. Les mécanismes rusés de l'inconscient qui nous facilitent l'évitement de ce qui est dérangeant en nous permettant habituellement de nous voiler la face sont soudainement mis à mal.
Les questions se posent, les frustrations se manifestent et l'heure est au bilan.
Alors que nous commençons à sortir de cette période de crise, la question qui reste en suspens et que se pose tous déconfinés resongeant à ses états d'âme est alors la suivante : est-ce été un effet d'enfermement qui a exacerbé momentanément nos névroses ou une période d'introspection favorisant des prises de conscience jusque là refoulées ?
A chacun ses réponses.
L'important est surtout d'éviter que cette crise planétaire ne se transforme en évènement anxiogène qui laisserai des traces traumatiques dans nos foyers. Le plus serait de faire de cette crise un retour à l'essentiel, un tremplin vers une vie qui nous correspond mieux.
La traversée d'une épreuve est l'occasion de tourner le regard vers ce qui se passe à l'intérieur, et tenter alors de devenir le capitaine de son âme. Se fait encore plus vrai le poème tant apprécié par Nelson Mandela pendant ses années de captivité :
"Dans les ténèbres qui m’enserrent,
Noires comme un puits où l’on se noie,
Je rends grâce aux dieux quels qu’ils soient,
Pour mon âme invincible et fière.
Dans de cruelles circonstances,
Je n’ai ni gémi ni pleuré,
Meurtri par cette existence,
Je suis debout bien que blessé.
En ce lieu de colère et de pleurs,
Se profile l’ombre de la mort,
Je ne sais ce que me réserve le sort,
Mais je suis et je resterai sans peur.
Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis le maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme. "